24 juillet 2013

André Durivage vous entretient sur comment prévoir la loyauté des employés d’aujourd’hui

Conseil d’expert en ressources humaines de la part du président de la firme EPSI et auteur hautement reconnu, Monsieur André Durivage, Ph. D.

Q : Notre entreprise a récemment procédé à l’embauche de trois employés dans notre département du développement des affaires. Pour ce faire, nous avons privilégié une entrevue comparative entre le niveau d’éducation et les compétences des candidats versus les tâches spécifiques du poste et les compétences requises. Étant donné la nature de plus en plus technologique du domaine du marketing, nous avons sélectionné trois jeunes personnes avec les compétences et les connaissances requises afin de faire progresser l’entreprise. Malgré l’inexpérience de ces nouveaux employés, nous étions très satisfaits des idées qu’ils ont apportées à l’entreprise. Toutefois, peu avant leur premier anniversaire d’embauche, deux des trois employés nous ont quittés. Conscients du potentiel des employés que nous avons perdus, nous souhaiterions obtenir des conseils avisés en matière de rétention de personnel concernant la sélection des employés qui vont rester parmi nous, et ce, afin d’éviter les coûts reliés au roulement du personnel. Est-il possible, de nos jours, de prévoir la loyauté des employés?
Joshua Langlois,
Ottawa, ONT

André DurivageR : Merci de votre question, Joshua. Commençons d’abord par examiner les différentes raisons possibles pour lesquelles vos employés vous ont quittés. Il y a plusieurs facteurs à considérer dans une telle situation. L’un des facteurs les plus importants qui va déterminer si l’embauche récente d’une personne sera concluante ou non au sein de l’organisation se situe au niveau des avantages. En effet, la personne va s’attendre à un certain salaire, à des avantages et, selon son âge, à un plan de retraite. Il est donc important de vérifier si votre entreprise offre ce que la personne recherche dans ce domaine.
Un autre facteur essentiel à considérer, et que vous aurez déjà identifié préalablement lors de votre processus d’entrevue, est le travail lui-même. En ce sens, est-ce que les tâches que l’on demande à la personne d’accomplir correspondent à ses capacités, à son expérience et à ses connaissances, et en même temps, est-ce que ces tâches sont enrichissantes et intéressantes pour elle?
Un troisième facteur non négligeable est le climat qui règne au sein de l’organisation. Si le climat est agréable, il se peut que la personne décide de rester même si le salaire est moins élevé qu’ailleurs. Ce climat inclut les relations d’un employé avec ses collègues de travail, avec ses superviseurs, de même qu’avec la direction de l’organisation. Il englobe aussi tout ce qui fait que la vie peut être agréable au travail, comme par exemple, un comité social à l’intérieur de l’entreprise. De plus, ce même climat comprend des facteurs qui influencent la motivation d’un employé, tels que son degré d’autonomie, l’impression que ses tâches sont importantes et qu’il se sente impliqué et valorisé dans l’accomplissement de celles-ci. Votre entreprise doit donc s’assurer d’avoir un climat agréable qui attire vos employés et favorise leur rétention.
Un dernier facteur à considérer est la possibilité d’avancement et de développement que l’organisation peut procurer à son personnel. Par exemple, un employé peut se dire : « Je n’ai peut-être pas le salaire que je voudrais, mais j’ai la possibilité de me développer professionnellement par l’entremise d’ateliers de formation et cela pourrait me servir plus tard ». Il faut alors s’assurer d’offrir à vos employés l’opportunité de se développer et d’avancer dans leur carrière.
Parmi tous les facteurs mentionnés précédemment, un phénomène qui a émergé de façon évidente dans les dernières années est celui des valeurs organisationnelles. Si les valeurs des employés et de l’organisation correspondent, les gens seront plus productifs. Si elles ne correspondent pas, les gens ne voudront pas rester. Il devient donc impératif d’inclure dans un processus de sélection plus englobant, une évaluation des valeurs organisationnelles du candidat. Il existe des outils psychométriques disponibles pour faciliter cette évaluation, tels que le Test de valeurs organisationnelles (TVO).
Ensuite, vous avez mentionné que les employés que vous aviez embauchés étaient jeunes. On dit souvent que les gens qui sortent de l’université n’ont plus le même sens d’appartenance ou de loyauté que l’on pouvait observer auparavant. Par contre, ceci n’est que partiellement vrai. Il y a un effet d’évolution de carrière qui est naturel. Lorsque les gens finissent leurs études, ils sont à la recherche d’ambitions et de ce qui les intéresse. Il y a moins d’enjeux économiques à ce stade-ci, ce qui fait que l’engagement lorsqu’on est plus jeune est moins important que lorsqu’on a atteint la fin de la vingtaine ou le début de la trentaine et qu’on a une hypothèque et des enfants. Rendus à ce stade, nous avons un engagement non seulement émotif, mais économique aussi. De plus, les jeunes d’aujourd’hui ont plus d’options en termes d’opportunités de travail. Ils doivent faire un choix. Si l’emploi est rare, il devient moins attrayant pour la personne de quitter son emploi actuel. Aujourd’hui, l’économie est variée et plus tertiaire et l’entrepreneuriat est plus élevé. Le défi est donc de présenter son organisation comme étant le meilleur choix.
Vous avez également mentionné que vous êtes conscients du potentiel des employés qui vous ont quittés. La littérature plus récente des quinze dernières années sur la rétention du personnel nous mentionne qu’il faut, tout comme vous l’avez fait durant votre processus de sélection, identifier immédiatement, lors de l’embauche, les personnes qui vont représenter un bon potentiel et adhérer aux valeurs organisationnelles. Elles pourront par la suite être embauchées avec un certain salaire, pour un certain type de travail, avec certains avantages, etc. et il faudra ensuite faire des efforts additionnels pour ces personnes-là. Ces efforts ne sont pas nécessairement au niveau salarial, mais peuvent davantage se refléter au niveau de la qualité des tâches et des responsabilités. Pour les employés plus jeunes, ces efforts peuvent aussi se répercuter sur leur développement professionnel et leur besoin de formation. Ce qui est important, c’est de faire une gestion équitable basée sur les compétences des employés.
Par ailleurs, ce que l’on voit en ce moment au Canada et aussi ailleurs dans le monde en ce qui concerne la loyauté des employés, c’est que si on évalue les valeurs des gens et que celles-ci correspondent aux valeurs de l’organisation, comme mentionné plus haut, on ira alors chercher une plus grande loyauté. Afin de mener à bien cet exercice, il incombe de déterminer quelles sont les valeurs organisationnelles qui ont préséance au sein de votre entreprise. Pour ce faire, on demande à celle-ci de faire un exercice de réflexion qui requiert de choisir parmi 34 valeurs fondamentales que nous avons identifiées suite à une démarche évaluant les valeurs affichées d’un grand nombre d’entreprises et suivant les standards de l’industrie. Le but de cet exercice est de choisir les valeurs qui représentent le mieux les objectifs de l’organisation. Par exemple, est-ce la qualité ou la quantité du produit qui est importante pour la rentabilité de l’organisation? On lui demande donc ce qu’elle privilégie et on ordonnance les valeurs en ce sens. Ensuite, nous effectuons la même démarche auprès de l’employé qui doit lui aussi effectuer un ordonnancement des valeurs qu’il privilégie. Les 5 ou 10 valeurs fondamentales choisies par celui-ci déterminent son comportement. Si ces valeurs sont parmi les 5 ou 10 valeurs privilégiées par l’organisation, les chances que l’employé reste au sein de l’entreprise augmentent. Cet exercice est basé sur la notion du « P-O Fit, » qui se réfère au degré de comptabilité entre la personne et l’organisation.
Afin d’assurer la rétention de nos employés, on doit donc être proactifs. On doit établir un contrat réaliste et clair avec les employés. Lors de l’embauche, on ne doit pas faire des promesses que l’on ne pourra pas tenir. On doit dire aux gens exactement ce à quoi ils doivent s’attendre. De plus, il faut s’assurer que le climat de travail est le plus positif possible. Cela fait partie des responsabilités des superviseurs ayant un lien plus étroit avec les employés de s’assurer que tout va bien auprès de ceux-ci. Il est aussi important d’obtenir des informations externes et d’assurer une vigie de la concurrence afin de se positionner par rapport au marché du travail, particulièrement en ce qui concerne la rémunération.
Ces étapes vont permettre d’éviter les conséquences liées au roulement du personnel. En termes économiques, ce phénomène de roulement de personnel peut coûter cher à long terme. De plus, il entraîne des coûts élevés associés au départ prématuré de nouveaux employés et des dépenses onéreuses au niveau des processus d’embauche. Au niveau de la productivité, la perte d’un employé de valeur a également un impact considérable sur la relation entre le client et l’entreprise, surtout si les gens sont habitués de parler à cette personne. Il y a aussi un impact sur la compétitivité et sur la capacité de rendre un service adéquat. La réputation de l’entreprise est donc en jeu. Voilà pourquoi il est important, tout comme vous l’aviez mentionné, de prévoir la loyauté de nos employés.
Pour envoyer une question au président d’EPSI, André Durivage, Ph. D., veuillez envoyer un courriel à info@epsi-inc.com avec la mention « Question au docteur » clairement indiquée sur la ligne de l’objet.